L'ART DE LIRE LE BOIS

 

Le bois archéologique est un formidable traceur chronologique, écologique et culturel. Que nous révèle-t’il de son passé lointain? La tracéologie et l’archéodendrométrie dévoilent ses secrets!

    

Détail d’un bois archéologique de Bornéo, Shorea sp., daté C14 XVe siècle.  Photos & copyright Jean-François Chavanne

Les disciplines qui étudient le bois, sur pied ou travaillé par le genre humain, sont nommées à partir du préfixe d’origine grecque dendron qui signifie arbre, suivi d’un radical désignant la méthode: dendrochronologie pour obtenir des datations à l’année près; dendromorphologie pour l’étude des cernes de l’arbre qui mettent en évidence, par les variations de croissance de l'arbre, les perturbations climatiques récentes ou lointaines; dendroprovenance pour identifier les origines géographique du bois; dendrométrie pour mesurer les caractéristiques physiques quantifiables et dendrotypologie pour classifier les bois en fonction de leurs paramètres.

Pour le bois archéologique travaillé par l’homme, ayant séjourné en terre ou dans l’eau et quelqu’en soit l’usage final, mobilier, charpente, œuvre d’art, etc., l’archéodendrométrie va littéralement lire l’histoire le bois et fournir des informations tant sur l’interaction de la matière avec son environnement que sur la manière dont il a été travaillé lors de sa fabrication. L’état ligneux et les propriétés anisotropes du bois permettent de distinguer les différentes étapes de l’arbre à l’artefact et d’identifier les marques de façonnage, entre autres traces. Les sectionnements, les arrachements, les absences de matière, les usures fournissent aux scientifiques de cette discipline les éléments nécessaires pour « tracer » l’histoire de l’objet étudié et ce, quelque soit son ancienneté.

  L’étude archéo-dendrométrique des utilisations du bois dans l’immobilier (charpentes, pans de bois) et le mobilier (objets, oeuvres d’art) permet non seulement de révéler le bois comme traceur chronologique et écologique mais également économique, culturel et même politique et religieux au travers de l’étude des techniques de fabrication de ces structures.

-Catherine Lavier, Christine Locatelli, Didier Pousset. De l'artefact en bois à la nature forestière : quelques histoires parlantes. Revue Forestière Française. Le bois de ses origines à nos jours. 2004

Cette méthodologie non intrusive recueille des données sans porter atteinte à la matière et est régulièrement mise en œuvre sur du matériel de fouilles archéologiques, in situ ou en laboratoire, par les acteurs publics ou privés pour recueillir les informations indispensables qui permettront de contextualiser les artefacts au sein de leur culture et de leur environnement. « Le bois archéologique, bien conservé dans la terre ou dans l’eau, nous parvient avec beaucoup d’informations sur son passé. Les études archéo-dendrométriques renseignent sur les outils employés, les gestes effectués par l’artisan ou l’artiste, voire si celui-ci était droitier ou gaucher. La morphologie du bois peut aussi indiquer la place de l’artefact dans l’arbre, la méthode de travail utilisée et sa relation avec l’environnement climatique. Le bois se révèle alors être un traceur chronologique et écologique mais également économique, culturel et même politique et religieux au travers de l’étude des techniques de fabrication des ces structures. Le bois est un des reflets de volontés, astreignantes ou non, de la société mais aussi une conséquence des contraintes mécaniques du matériau à sa disposition ».

Un montagnard de l'Apo-Kayan arrivant à son village avec un poteau cérémoniel dayak émergé d'une rivière. Photo Anton.2006. Copyright Bertrand Claude

L’étude xylologique et archéo-dendrométrique du laboratoire d’analyses Xylodata a été réalisée en Septembre 2008 soit quelques mois seulement après son émersion d’une rivière de Bornéo, par deux spécialistes des bois anciens de réputation internationale: Victoria Asensi Amoros docteur en archéologue, égyptologue, expert micrographe des bois de l’université Paris 6 et maître de conférences du Muséum national d'histoire naturelle, et Catherine Lavier, ingénieur de recherches CNRS, spécialiste en archéo-dendrométrie et dendrochronologie du Laboratoire d’Archéologie Moléculaire et Structurale de l’Université Pierre & Marie Curie, Paris 6 qui a travaillé de nombreuses années au Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France, le C2RMF de l’Unité Mixte de Recherche 171 du Centre National de la Recherche Scientifique. Leur étude livre des informations innovantes sur le matériau utilisé, les techniques de façonnage et son interaction avec l’environnement climatique tropical.

LE BOIS-PIERRE

  Cette essence (Shorea, groupe Balau, de la famille des Dipterocarpaceae) particulièrement lourde et résistante, a été identifiée par Tom Harrisson sur du matériel archéologique de Bornéo.

-Marie-Pierre Etcheverry. LAMOA Expertise. Un des objectifs fixé par l'étude d'une sculpture en bois de Bornéo. LAMOA 12-18 OA. 2008-

Le bois-support identifié est le Shorea, groupe Balau, de la famille des Dipterocarpaceae dont l’aire géographique de distribution couvre le Sud-Est asiatique et en particulier la Malaisie, Sumatra et Bornéo. Cette essence, particulièrement lourde et résistante, a été identifiée par Tom Harrisson sur du matériel archéologique de Bornéo. Les résultats des analyses xylologiques qu'il a mené sur des dizaines d’artefacts en provenance de plusieurs campagnes de fouilles menées à Bornéo dans les années 1950, ont été publiés dans « Prehistoric Wood from Brunei, Borneo » du Brunei Museum en 1974. L’un d’eux, en Shorea, est daté par C14 940 A.D.. Le genre Shorea comprend pas moins de 200 espèces d’arbres et l’une d’entre elles, le Selangan Batu (batu=pierre) est mentionnée par Antonio Guerreiro dans le catalogue « Patong, La grande scultura dei populi del Borneo », dans le chapitre « classification générale du bois », p.78, publié en 2008, comme étant l’une des essences favorites des sculpteurs de Bornéo.

 Vues microscopiques d'un échantillonage de Shorea sp. Coupe tangentielle à gauche, coupe transversale à droite. Courtesy Xylodata.

La réalisation de cette œuvre a nécessité une grume originelle d’un diamètre d'environ 60 cm et d’une longueur minimale de 210 cm. La densité moyenne pour le Shorea étant d’environ 0,85g/cm3, le calcul du poids de la bille de bois de l’arbre encore sur pied donne un résultat proche de 2 tonnes! Cette première donnée pose une première question autour de la logistique mis en place pour cette opération. Après abattage et élagage de l’arbre, l’œuvre a t’elle été réalisée sur place puis transportée au village? A moins que l’artiste ait dégrossi son projet sur place pour ensuite l’achever au village? Ou encore, l’arbre choisi était-il situé à proximité immédiate du village? A ce jour, nous ne disposons d’aucun élément qui permettent de favoriser l’un ou l’autre de ces scénarios. Cette interrogation sans réponse concerne pourtant la plupart des sculptures monumentales de Bornéo.

  la punta dell’albero, ovvero la cima del tronco (hujung kayu), costituirà la parte cacuminale del pezzo di legno una volta terminato il lavoro, sia su un piano verticale, (palo, statua), (….) contrapposta alla base del tronco (pangkal kayu) che gli si opporrà diametralmente.(1)

-Antonio Guerreiro. Patong, la grande scultura dei popoli del Borneo.Città di Lugano, Museo delle Culture. 2008.

Deux informations ethnologiques nous sont données dans le rapport du Dr Victoria Asensis Amoros et de Catherine Lavier. La première provient de la direction des nœuds présents sur la sculpture qui indiquent qu’elle est orientée dans le sens de l’arbre; tête/côté cime et pieds/côté racines. Ceci corrobore les observations rapportées par Antonio Guerreiro dans la publication mentionnée plus haut, et qui explique que, dans la tradition dayak et austronésienne en général, la taille des bois rituels doit respecter strictement la polarité base/pointe (pangkal kayu/hujung kayu), soit l’équivalent cime/racine pour la statuaire verticale. Ce principe doit être scrupuleusement respecté de même que la distinction des essences employées, fondée sur leur dureté, et la dimension des réalisations correspond à la notion de hiérarchie au sein de la tribu.

NÉE PARMI LA CANOPÉE

NÉE PARMI LA CANOPÉE

Pour réaliser cette statue, l'artiste a choisi le bois-support dans le houppier d'un Shorea niché à plusieurs dizaines de mètres du sol.
TÊTE VERS LA CIME, PIEDS VERS LES RACINES

TÊTE VERS LA CIME, PIEDS VERS LES RACINES

La sculpture est taillée dans le sens de l'arbre, comme l'exige la tradition Dayak suivant le concept hujung kayu-pangkal kayu (pointe/base).
UNE GRANDE FAMILLE

UNE GRANDE FAMILLE

Il existe plus de 200 espèces de Shorea. Cette foisonnante bio-diversité de la forêt de Bornéo est à l'image de la mosaïque de peuples coutumiers qui y habitent depuis des dizaines de milliers d'années.
UN ARBRE NOBLE & GÉNÉREUX

UN ARBRE NOBLE & GÉNÉREUX

Le Shorea, essence lourde et résistante, produit une résine recherchée, le dammar, et des noix aux vertus curatives. L'une et l'autre sont utilisées au cours des rituels.
  • NÉE PARMI LA CANOPÉE

    NÉE PARMI LA CANOPÉE

    Pour réaliser cette statue, l'artiste a choisi le bois-support dans le houppier d'un Shorea niché à plusieurs dizaines de mètres du sol.
  • TÊTE VERS LA CIME, PIEDS VERS LES RACINES

    TÊTE VERS LA CIME, PIEDS VERS LES RACINES

    La sculpture est taillée dans le sens de l'arbre, comme l'exige la tradition Dayak suivant le concept hujung kayu-pangkal kayu (pointe/base).
  • UNE GRANDE FAMILLE

    UNE GRANDE FAMILLE

    Il existe plus de 200 espèces de Shorea. Cette foisonnante bio-diversité de la forêt de Bornéo est à l'image de la mosaïque de peuples coutumiers qui y habitent depuis des dizaines de milliers d'années.
  • UN ARBRE NOBLE & GÉNÉREUX

    UN ARBRE NOBLE & GÉNÉREUX

    Le Shorea, essence lourde et résistante, produit une résine recherchée, le dammar, et des noix aux vertus curatives. L'une et l'autre sont utilisées au cours des rituels.

    Vue de la canopée d'une forêt de Dipterocarpaceae à Bornéo, Indonésie. Copyright Donald O'Hare. Courtesy jezohare.com

      Cet ensemble d'informations - choix d'une essence dure et productive, choix du houppier dans l'arbre, respect de la polarité traditionelle tête-ciel/pieds-terre - confirme que cette sculpture monumentale a été érigée en suivant les règles strictes d'un cadre rituel traditionnel disparu.

    La seconde information permet de positionner l'emplacement de la grume dans l'arbre grace à l'orientation de ses nœuds: au niveau du houppier, point de départ de la ramure. Le nœud situé sur la hanche droite (ci-dessous), point de départ de la principale fente qui traverse le dos jusqu’à l’épaule gauche, pourrait être celui qui se rapproche le plus du cœur du tronc, mais cela ne permet pas d'évaluer le diamètre du tronc. En dehors de son aspect technique, cette donnée présente un caractère ethnographique certain. Dans une société animiste, ou chaque élément naturel est le refuge d'un esprit, le choix de l'arbre duquel va émerger une sculpture relève d’une réflexion s'inscrivant dans un rituel traditionnel. De même qu’il s’agit pour le sculpteur de respecter la polarité cime-ciel/racine-terre, la décision de sculpter une œuvre de cette taille au niveau du houppier résulte d'un choix conscient. D’un point de vue purement technique, il est été plus aisé pour un sculpteur d’utiliser le fût principal qui ne possède pas de branches. Les arbres de la forêt pluviale, dont le Shorea, portent le houppier à plusieurs dizaines de mètres de hauteur. Or, cette partie de l’arbre est très peu utilisée pour le bois d’œuvre car son exploitation est rendue difficile par la présence de nœuds et de branches courbées et sinueuses. Choisir le houppier est donc très probablement un acte significatif dont le sens n'est pas parvenu jusqu'à nous. Rappelons nous aussi que le Shorea fournit aussi une résine de grande qualité, le damar, utilisé, entre autres, pour sceller les jarres funéraires et que ses noix (Engkabang) aux vertus médicinales connues, étaient utilisées au cours de rituels dayak, funéraires ou autres. Cet ensemble d'informations - choix d'une essence dure et productive, choix du houppier dans l'arbre, respect de la polarité traditionelle - tête-ciel/pieds-terre - témoigne que cette sculpture monumentale a été érigée en suivant les règles strictes d'un cadre rituel traditionnel disparu. Surgie des profondeurs d'une rivière, cette statue révèle les rêves et les croyances évaporées d’un petit groupe humain forestier. Elle est l'unique fragment de la mémoire engloutie de cette humanité. 

     

    NŒUD DE LA HANCHE DROITE

    Ce nœud est certainement celui qui se rapproche le plus du cœur de l'arbre mais cela ne permet pas de définir la diamètre du tronc initial.
    • NŒUD DE LA HANCHE DROITE

      Ce nœud est certainement celui qui se rapproche le plus du cœur de l'arbre mais cela ne permet pas de définir la diamètre du tronc initial.

      Détail de la hanche droite, point de départ de la grande fissure dorsale. Photos & copyright Jean-François Chavanne

      FISSURES & CRAQUELURES

        Ce phénomène de rétractation, dont l’un des aspects les plus spectaculaires est cette formation d’écailles en surface, témoigne que le bois a séché naturellement in situ postérieurement à la taille de l’œuvre.

      -Catherine Lavier, Dr. Victoria Asensis Amoros.Observations tracéologiques et archéodendrométriques. Xylodata. 2008-

      Le bois archéologique traverse le temps avec les traces de son histoire. L’observation et l’étude de ses déformations sous l’effet des contraintes mécaniques et climatologiques révèle son passé. L’étude souligne que le Shorea, bois solide et résistant, a été très peu affecté par le dur climat tropical de Bornéo ou les attaques d’organismes vivants. Les averses diluviennes de la forêt équatoriale ont profondément raviné sa surface mais il est resté dense et lourd. Les zones de fragilité structurelle (épaules, poignets, chevilles) ne montrent pas d’affaissement et le bois-support est toujours très résistant. Les fissures observables sont le résultat de cette très grande solidité, qui le rend cassant, aux assauts incessants des pluies, de l’humidité et du rayonnement solaire. Les écailles visibles à plusieurs endroits (ci-dessous) sont liées, elles aussi, aux propriétés de cette essence. Issues de la perte de son eau, elles épousent la forme donnée par le sculpteur. La perte de son eau structurelle, au-delà de 30%, s’exprime par le retrait de la matière ligneuse (ci-dessous), jusqu’à atteindre son équilibre hygroscopique. Ces fissures plus ou moins larges sont favorisées par les départs de branches observés. Ce phénomène de rétractation, dont l’un des aspects les plus spectaculaires est cette formation d’écailles en surface, témoigne que le bois a séché naturellement in situ postérieurement à la taille de l’œuvre.

      ÉCAILLES

      ÉCAILLES

      En séchant, le bois perd son eau, se rétracte et produit des écailles qui épousent le façonnage de la statue.
      FISSURES ET RAVINAGE

      FISSURES ET RAVINAGE

      Les fissures observables sont le résultat de la très grande solidité du Shorea, ce qui le rend cassant face aux assauts incessants des pluies et du soleil.

      OBSERVATION MACROSCOPIQUES

      Les traits généraux, bien que fortement atténués par l’environnement climatique, sont simples et dénotent, dans leur équilibre, une maitrise totale du matériau par l’artiste. Les traces observées sont le résultat d’actions humaines, d’usages et usures.
      • ÉCAILLES

        ÉCAILLES

        En séchant, le bois perd son eau, se rétracte et produit des écailles qui épousent le façonnage de la statue.
      • FISSURES ET RAVINAGE

        FISSURES ET RAVINAGE

        Les fissures observables sont le résultat de la très grande solidité du Shorea, ce qui le rend cassant face aux assauts incessants des pluies et du soleil.
      • OBSERVATION MACROSCOPIQUES

        Les traits généraux, bien que fortement atténués par l’environnement climatique, sont simples et dénotent, dans leur équilibre, une maitrise totale du matériau par l’artiste. Les traces observées sont le résultat d’actions humaines, d’usages et usures.

        Détails. 1. arrière droit du crâne. 2. Profil gauche du thorax. 3. Face gauche. Photos & copyright Jean-François Chavanne

        OUTILLAGE & CARBONISATION

          Pour le bois, l’étude tracéologique permet de comprendre la fabrication d’un objet par l’examen des signes de débitage, de façonnage, d’usage et d’usure qui sont alors restituables depuis l’arbre en forêt jusqu’à l’objet exposé dans une vitrine.

        Dans les années 1930, le préhistorien russe Sergueï Semenov (1898-1978) élabore une méthode d’études de traces laissées par l’usage des outils en silex du paléolithique qui se base sur l’examen des stigmates, notamment à l’échelle microscopique, laissés par l’usage ou le façonnage afin d’identifier la signature d’un matériau ou d’une action, la tracéologie. Pour le bois, l’étude tracéologique permet de comprendre la fabrication d’un objet par l’examen des signes de débitage, de façonnage, d’usage et d’usure qui sont alors restituables depuis l’arbre en forêt jusqu’à l’objet exposé dans une vitrine. C’est lorsque les travaux de Sergueï Semenov seront enfin traduits et publiés en 1964 dans un ouvrage intitulé Préhistoric technology  que ce champ d’investigation commencera à se structurer. Cette méthodologie trouvera son essor dans les années 1980, en particulier au sein de la communauté scientifique française. Développée dans un premier temps pour les outils de pierre, elle va progressivement être appliquée à d’autres matériaux tels que l’os, l’ivoire, les bois de cervidés, le bois et les métaux. Les travaux originaux de Patricia Anderson, directeur de recherche au CNRS suivis par les études de Menasanch sur des outils non tranchants ont montré l’interprétation économique et sociologique accessible par la tracéologie. Ainsi, par l’observation des traces, des marques d’usure et d’utilisation, la méthode élaborée par Sergueï Semenov permet aujourd’hui, par des observations macroscopiques et microscopiques d’identifier les outils utilisés, les étapes de fabrication et les savoir-faire utilisés. Les musées, dont le quai Branly, font régulièrement appel à ces techniques pour rechercher ou confirmer les informations sur des objets en bois de leurs collections.

          L’étude confirme que les traces observées pour le débit et le façonnage, sont le résultat d’actions humaines, d’usages et usures, bien que ces dernières, les plus importantes, aient tendance à dissimuler les autres.

        -Catherine Lavier, Dr. Victoria Asensis Amoros.Observations tracéologiques et archéodendrométriques. Xylodata. 2008-

        Les observations macroscopiques réalisées sur cette statue de Bornéo relèvent que malgré la dureté de son bois et la difficulté à le sculpter, les traits généraux, bien que fortement atténués par l’environnement climatique, sont simples et dénotent, dans leur équilibre, une maitrise totale du matériau par l’artiste. Le tronc a subi des déformations dues aux branches par une réaction d’équilibre de l’arbre sur pied. Il s’agit d’un aspect naturel. Une couleur verdâtre à certains endroits de la sculpture signifie la présence d’éléments organiques d’origine locale, mais aucunes moisissures, mousses ou lichens, ne sont observables. Plus généralement, l’étude confirme que les traces observées pour le débit et le façonnage, sont le résultat d’actions humaines, d’usages et usures, bien que ces dernières, les plus importantes, aient tendance à dissimuler les autres.

         

        STIGMATES DE COMBUSTION DU NŒUD DE L'ÉPAULE DROITE

        Ces indices charbonneux visibles à la surface indiquent un possible emploi du feu pour aider au retrait; un procédé semblable à l’abattage au feu à combustion lente d’arbres sur pied, une forme de torréfage qui consume la matière jusqu’à en extraire l’élément voulu.

        CARBONISATION AU NIVEAU DE LA CASSURE INFÉRIEURE

        Ces marques charbonneuses, restreintes en taille et en profondeur, sont le résultat d’une consommation lente mais presque sans flamme de diffusion. Elles pourraient résulter de l’emploi de torches sur un lieu de dévotion où était érigé la sculpture.
        • STIGMATES DE COMBUSTION DU NŒUD DE L'ÉPAULE DROITE

          Ces indices charbonneux visibles à la surface indiquent un possible emploi du feu pour aider au retrait; un procédé semblable à l’abattage au feu à combustion lente d’arbres sur pied, une forme de torréfage qui consume la matière jusqu’à en extraire l’élément voulu.
        • CARBONISATION AU NIVEAU DE LA CASSURE INFÉRIEURE

          Ces marques charbonneuses, restreintes en taille et en profondeur, sont le résultat d’une consommation lente mais presque sans flamme de diffusion. Elles pourraient résulter de l’emploi de torches sur un lieu de dévotion où était érigé la sculpture.

          De gauche à droite. Stigmates de combustion à l'épaule droite et à la cassure inférieure. Photos & copyright Jean-François Chavanne

            Ces marques charbonneuses (...) pourraient résulter de l’emploi de torches sur un lieu de dévotion où était érigé la sculpture.

          -Catherine Lavier, Dr. Victoria Asensis Amoros.Observations tracéologiques et archéodendrométriques. Xylodata. 2008-

          Des traces de carbonisation sont observables au départ de la sculpture, près de la cassure située dans sa partie inférieure,  mais elles ne sont pas liées à des incendies, car dans ce cas, les traces auraient couvertes une surface plus importante. Elles ne pas non plus sont liées ni à une combustion lente contrôlée, utilisée par exemple pour durcir le bois ou réaliser une coupe de tronc, ni à un écobuage pour défricher un terrain. Ces marques charbonneuses, restreintes en taille et en profondeur, sont le résultat d’une consommation lente mais presque sans flamme de diffusion. Elles pourraient résulter de l’emploi de torches sur un lieu de dévotion où était érigé la sculpture. De semblables traces sont observées sur les statues d’églises par exemple. Sont-elles l’empreinte provenant de cérémonies ou de rituels? Impossible à dire!

          Ces traces de carbonisation apportent une information intéressante. N’étant ni techniques, ni accidentelles, elles supposent la proximité, avec la sculpture, d’un foyer de combustion, éclairage par exemple. Par contre, les stigmates de combustion situés au niveau de l’épaule droite correspondent à du bois consumé. Les résidus de branche, extrait pour l’un, coupé pour l’autre (fig.7&8) gênaient le travail du sculpteur. Ces indices charbonneux visibles à la surface indiquent un possible emploi du feu pour aider au retrait; un procédé semblable à l’abattage au feu à combustion lente d’arbres sur pied, une forme de torréfage qui consume la matière jusqu’à en extraire l’élément voulu. Toutes ces traces de combustion fournissent des informations inédites sur le travail du sculpteur, et l’emploi d’une telle sculpture par la tribu, le village, qui l’a produite. Maitrise du feu par l’artiste au cours de son travail d’élaboration, cérémonies ou rituels nocturnes dans l’environnement proche du hampatong?

          « A ce jour, trop peu d’analyses archéodendrométriques ont été réalisées sur les sculptures de Bornéo pour fournir les premiers éléments de réponse à ces constatations. » Ces données sont désormais disponibles et prêtes à être confrontées à de nouvelles études.

          Bertrand Claude

              

           

          1. Le sommet de l'arbre, ou le haut du tronc, forme la partie haute de l’ouvrage en bois une fois le travail achevé, sur un plan vertical (poteau, statue), (…..), par opposition à la base du tronc qui est opposée diaméoralement. Antonio Guerreiro, Patong, la grande scultura dei popoli del Borneo.Città di Lugano, Museo delle Culture. 2008. traduction BC.