ÉLEMENTS ARCHITECTURAUX
Les habitations communautaires Kayan, appelées longues-maisons, et particulièrement les quartiers d'habitation réservés aux familles riches et de haut rang, sont abondamment ornementées par des figures de gardiens, des créatures mythiques et de puissants symboles. Portes, panneaux muraux, poteaux de soutènement, échelles et faîtages sont souvent ornés de motifs protecteurs accompagnés de volutes végétales. Ces ornementations, semblables à celles que l'on trouve sur les anciens sites funéraires, incluent notamment les faces de « monstres » classiques, la figure protectrice de type HSH, et fréquemment, des représentations d'animaux mythiques tels que l'Aso. Il est probable que les motifs les plus archaïques utilisés sur les matériels funéraires, tels que les figures du PSH, ornaient aussi l’habitat des villages Kayan ancestraux, mais trop peu de pièces ont subsisté pour soutenir cette hypothèse. Les figures de reliquaires les plus anciennes proviennent, pour la plupart, d’emplacements particulièrement protégés favorisant leur pérennité. Exposées à l'environnement hostile de la forêt pluviale équatoriale, abandonnées lors des déplacements de village, les œuvres architecturales typiques des Kayan ne pouvaient survivre au-delà de quelques siècles, et les exemplaires datés au 14C sont trop peu nombreux pour être étudiés.
Divers endroits stratégiques étaient signalés par des représentations d’esprits protecteurs, comme les entrées des longues-maisons ou devant les portes des appartements familiaux (planche 93). La figure de la planche 92, qui représente un esprit-gardien en train de se faire dévorer, fait partie d’une très rare paire de sculptures qui aurait été positionnée devant le silo à grain d'un aristocrate Kayan. Ses longs pavillons d’oreilles ornés de motifs annelés sont similaires à ceux de la figure en bronze « Imun Ajo », dont il est question dans le chapitre intitulé « Le peuple Kayan ».
Les panneaux représentés sur les planches 96 à 103 proviennent de l'intérieur d'une longue-maison. La plupart étaient appliqués sur les murs, les linteaux et les plinthes des appartements du chef de village, face vers l’extérieur. Assurant une protection surnaturelle, ces motifs affirmaient également le statut de souverain du chef, de ses ancêtres et de ses descendants. Les portes et les volets des fenêtres étaient également très décorés (planches 104 à 108) et il était courant que la poignée des portes, sculptée en haut relief, soit une image d'Aso (dragon), double symbole d’un statut élevé et d’une protection.
Les toits, les avant-toits et les poutres des maisons d’aristocrates, les greniers et les cryptes étaient également décorés de puissantes images de créatures mythiques, le plus souvent des Aso (planches 109 à 124). La figure de la planche 113 est particulièrement intéressante car la section de la queue de l'Aso cache un masque avec des yeux, une bouche ouverte et un menton exubérant. Sur la planche 119, nous distinguons des représentations raffinées du « mâcheur de noix de bétel », tandis que la planche 124 montre les deux parties d'un exemple inhabituel de panneau de plafond intérieur sculpté d'un rare motif abstrait que l'on ne trouve que sur un petit groupe de reliquaires connus et dont on pense qu'elles proviennent de la régence des Berau (voir également la planche 21).
De grandes et lourdes échelles en bois dur, aux marches crantées, permettaient d’accéder à la longue-maison depuis le sol. La nuit, ou en cas d'attaque, les échelles étaient remontées et rangées dans la véranda. Une version plus petite était utilisée pour accéder aux zones de stockage situées au-dessus des quartiers d'habitation. La plupart de ces échelles sont décorées à leur sommet, parfois sur toute leur longueur, avec des images sculptées d’esprits-gardiens destinées à empêcher les forces malveillantes d'entrer (plaques 125-128).
Mark Johnson