2020 07 20 Capture dcran 2020 07 20 104233

(Idolâtrie dans le Kampong ...). 1929–1939. Kayan, Tering, Kutai Barat, Kalimantan oriental, Indonésie. Photographe inconnu. Tirage argentique. 3,25 x 4,38" / 8,2 x 11,1 cm. Wereldmuseum (Tropenmuseum), Pays-Bas, inv. TM-60051389.

OBJETS DIVERS

Identifier la fonction exacte de chaque objet du répertoire de l'art Kayan n’est pas chose aisée. Les vendeurs d’origine, les marchands initiaux, généralement une chaîne de magasins locaux à Bornéo ou des propriétaires de galeries à Bali ou à Jakarta, racontent souvent des histoires qui paraissent logiques lors de leurs acquisitions, mais la plupart du temps, les questions qui naissent après une investigation plus approfondie remettent en question leurs affirmations. Les paragraphes suivants décrivent quelques pièces inhabituelles ou qui possèdent des antécédents intéressants. La planche 130 montre une silhouette Aso dévorant son propre corps, qui aurait été la partie supérieure d'une presse de canne à sucre. Si cette fonction est probable, elle pourrait aussi très bien être le sommet d'un poteau de soutènement d'une plateforme d'entrée surélevée d’une longue-maison ou de tout autre élément architectural. Quoi qu'il en soit, l'objet devient particulièrement intéressant lorsque l’on examine de profil sa partie inférieure. L’arrière du torse, sa queue et ses genoux recourbés semblent représenter un masque Hudoq de style Kayan, le corps et la queue de l’Aso formant sa bouche ouverte et ses genoux dessinant les yeux.

   Il est rare que les artistes Kayan représentent des attributs humains d’une façon aussi naturaliste

Autre élément final possible, la figure représentée planche 131 semble également représenter une version tridimensionnelle du masque Hudoq classique, avec de grandes oreilles, des yeux en forme de disque, un nez crochu et des crocs dénudés. Cependant, en raison de son rendu tridimensionnel, elle ne semble pas représenter un masque, mais plutôt la créature réelle qui a inspiré le masque. Les planches 132 et 133 présentent des sculptures inhabituelles de têtes, et la planche 134, une tête avec quelques parties supplémentaires du haut du torse. Toutes semblent avoir été conçues telles quelles et non pas avoir été brisées ou sectionnées d’un plus vaste ensemble. De plus, il n’y a pas le moindre indice d’une quelconque forme pour les fixer ou les joindre à d’autres objets plus grands. Nous ne savons pas très bien qu’elle était leur fonction ni comment elles étaient exposées ou utilisées. Représenté planche 135, un probable fragment de faîtage, bien que ce qu’il reste de l’objet initial n’autorise aucune affirmation. Sa caractéristique intéressante, c’est ce visage humain qui regarde vers l'arrière à partir du corps d'un animal ou d’un Aso. Il est rare que les artistes Kayan représentent des attributs humains d’une façon aussi naturaliste, à fortiori en conjonction avec des esprits-gardiens mythiques.


Introduction 1
Figure de gardien avec un corps d'Aso et un visage humain. Âge inconnu. Bois. H : 13 x 7 x 3,5" / 33 x 17,8 x 8,9 cm. Galerie d'art de l'université de Yale, inv. ILE2014.8.91.

Introduction 2
Presse à canne à sucre (partie supérieure) avec Aso et masque abstrait. XIXe - début du XXe siècle (âge estimé). Bois. H : 26” / 66 cm. Collection privée.


   Des animaux communs de la forêt tropicale de Bornéo sont parfois incorporés dans les sculptures Kayan

Une figure d'animal à cornes ou à longues oreilles s'accroche à l’extrémité d'une planche incurvée en « V », planche 136. Il s'agit probablement d'un final de toiture, mais il est aussi possible que cette pièce ait rempli une autre fonction, peut-être comme élément d'une plateforme d’accès ? Des animaux communs de la forêt tropicale de Bornéo sont parfois incorporés dans les sculptures Kayan. Les planches 137 et 138 représentent des singes, accroupis et bras levés. Ces deux figures ont été acquises à quelques années d'intervalle auprès de sources différentes, mais les deux objets, qui ont pratiquement les mêmes dimensions, sont de style étonnamment similaire (représentant peut-être deux versions d'une figure simienne). Ces figures sont clairement apparentées et cette paire a probablement été sculptée par la même main. La source de l’exemplaire le plus complet, planche 138, rapporte qu’elle provient d’une grotte où elle servait de support à un reliquaire. La section subsistante du fragment, planche 137, est sectionnée au même endroit que l’importante brisure de la seconde figure, planche 138. Ce même défaut interne semble suggérer que les deux pièces auraient été travaillées dans la même bille de bois. La planche 139 montre une paire de masques présumés avoir été suspendus comme esprits-gardiens à l'intérieur d'une crypte. Il s'agit vraisemblablement d'un homme et d'une femme; les paires homme-femme sont parmi les thèmes les plus courants dans le monde austronésien, y compris chez les Dayak. Deux autres paires comparables avec une histoire similaire ont été mises sur le marché simultanément, mais aucune information ne nous est parvenue depuis pour confirmer ces déclarations.


La planche 140 illustre une surface plane avec une zone centrale arquée et flanquée de deux esprits Aso gardiens. Il est probable qu'elle eût été destinée à servir de siège à un chef de village, mais il est également possible qu'elle ait été utilisée comme table d’autel. La sculpture en pierre présentée planche 141 a été trouvée sur un plateau inhabité au-dessus d'une partie de la rivière Kayan et occupé aujourd’hui par le peuple Kenyah, une culture à l'art distinct de celui des Kayan. Néanmoins, elle présente des caractéristiques Kayan évidentes, notamment la position accroupie, les bras musclés, les mains placées sous le menton avec des doigts allongés qui embrassent chaque côté de la tête. Le visage est également légèrement creusé avec une bouche saillante, comme chez les grands gardiens de village. Cette pièce n’est pas datée, mais les Kayan l'ont probablement déposée à cet endroit lorsqu’ils contrôlaient ce système fluvial au XIXᵉ siècle. Comme la plupart des sculptures Kayan, elle représente presque certainement un esprit gardien, probablement pour protéger un site sacré, depuis longtemps abandonné.


Mark Johnson